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Département Histoire de l'université Paris 8
31 mai 2006

Gabriel Martinez-Gros (Ibn Khaldûn)

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Ibn Khaldûn et les sept vies de l'Islam




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Gabriel MARTINEZ-GROS
Ibn Khaldûn et les sept vies de l'Islam 
Sindbad                 
La Bibliothèque arabe
juin 2006 / 14 x 22,5 / 368 pages
ISBN 2-7427-6114-4 / AS3492
prix indicatif : 25,00 €                

disponible en librairie le 01/06/2006


Pour Ibn Khaldûn, l'État est un processus contradictoire, construit par une violence organisée, que son fonctionnement l'amène cependant à affaiblir, puis anéantir. C'est dans le monde "bédouin", où la violence des groupes est rendue nécessaire par le souci de se défendre et de survivre, que l'État va puiser la force nécessaire à son existence et à son maintien. Cette force fond au bout d'un certain temps au feu de la pacification étatique, et doit être renouvelée.
Il existe donc une relation intime et délétère entre l'État et la tribu. L'une nourrit l'autre, et s'y engloutit. Ce mécanisme simple admet une infinité de variantes et de nuances que Gabriel Martinez-Gros étudie à la fois dans l'Introduction (Muqaddima) et dans l'Histoire universelle d'Ibn Khaldûn. Il s'interroge ensuite sur les conditions de pertinence de la théorie, de fait bien adaptée à une histoire impériale dont on peut repérer la mise en place en Orient dès le premier millénaire avant notre ère, mais que les royaumes hellénistiques ou l'Empire romain illustrent aussi. En revanche, l'histoire de l'Occident médiéval et de l'Ancien Régime ne correspond guère à ce schéma, et encore moins l'histoire des nations modernes. Mais une forme d'épuisement du progrès économique, la mise en cause des nations, le malaise des démocraties pourraient rendre actualité, dans nos propres sociétés, à la théorie d'Ibn Khaldûn.


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Ibn Khaldûn (1332 à Tunis - 1406 au Caire)
(portrait n'ayant aucune réalité historique)

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Gabriel Martinez-Gros
- bio-biblio
- biblio (Casa de Velazquez)

Gabriel Martinez-Gros, né en 1950, agrégé d'Histoire, ancien pensionnaire de la Casa de Velazquez (Madrid, 1982-1985), professeur d'histoire du Moyen Âge à l'université Paris VIII-Saint-Denis, a déjà publié : L'idéologie omeyyade - la construction de la légitimité de califat de Cordoue, Xe-XIe siècles (Bibliothèque de la Casa de Velazquez, 1992),  Identité andalouse (Sindbad/Actes Sud, 1997), Pays d'Islam et monde latin, Xe-XIIe (co-dir., Atlande, 2000),  L'islam en dissidence (avec Lucette Valensi, Seuil, 2004) ; et a traduit : Ce que la culture doit aux Arabes d'Espagne, de Juan Vernet (Sindbad, 1985 ; et Actes Sud, 2000), et De l'amour et des amants [Le Collier de la colombe] d'Ibn Hazm (Sinbdad, 1992).

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21 mai 2006

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30 mai 2006

Joël Cornette (Histoire de la Bretagne et des Bretons)

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Histoire de la Bretagne et des Bretons



cornettejHistoire de la Bretagne et des Bretons. Tome 1 : Des âges obscurs au règne de Louis XIV ; tome 2 : Des Lumières au XXIe siècle, Seuil, 2005.

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Louis XII et Anne de Bretagne en 1498
(soit un an avant leur mariage)


Présentation de l'éditeur
Devenue française en 1532, la Bretagne n'a jamais cessé d'être elle-même. Son identité s'impose, par-delà les lieux communs, de la "Celtie" idéalisée des druides et des chevaliers du Graal, jusqu'à Bécassine. Dans ce livre-somme, Joël Cornette, Breton et historien, retrace l'aventure mouvementée d'un territoire singulier, depuis ses plus lointaines origines jusqu'à l'aube du XXIe siècle. Voici la Bretagne restituée, "en majesté" : des menhirs de Carnac à la fin du dernier millénaire, en passant par les effervescences de 1789 ; de l'ère viking à la "révolution verte" de l'agriculture ; de la grande à la petite histoire, avec la foule des Bretons anonymes mais aussi les personnages illustres, les ruptures fondatrices comme les révolutions silencieuses, vécues au quotidien. Ce livre ne s'inscrit pas dans la lignée du nationalisme régional ; il ne réduit pas non plus l'histoire de l'Armorique à un simple sous-ensemble de la "nation France". A l'heure d'une Europe ouverte et plurielle, cette province si ancienne, passionnément bretonne et éminemment française, offre le modèle politique inédit d'une alliance apaisée entre région, nation et continent.

Biographie de l'auteur
Né à Brest, Joël Cornette est un ancien élève de l'Ecole normale supérieure de Saint-Cloud, agrégé d'histoire, professeur à l'université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis. Il est l'auteur, notamment, du Roi de guerre, Essai sur la souveraineté dans la France du Grand Siècle (Payot, 1993, rééd. 2000) et a dirigé dans L'Histoire de la France politique le volume La Monarchie entre Renaissance et Révolution (Seuil, 2000).


- compte-rendu par Thierry Sarmant, archiviste-paléographe, docteur de l'université de Paris-I-Sorbonne, conservateur en chef du patrimoine au Service historique de l'armée de Terre (nov. 2005)

senat* l'ouvrage de Joël Cornette est sélectionné parmi les trois finalistes pour le Prix du Sénat du livre d'Histoire qui sera décerné le 10 juin 2006 (les deux autres étant les livres de Jocelyne Dakhlia et de Mona Ozouf).


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Assises du Parlement de Bretagne
(cf. site des archives départementales
de Loire-Atlantique)




Anne de Bretagne (1477-1514),
mariée à deux rois de France


 

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Histoire de la Bretagne et des Bretons.
Tome 1 : Des âges obscurs au règne de Louis XIV ;
tome 2 : Des Lumières au XXIe siècle
,

Seuil, 2005.



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30 mai 2006

Daniel Lefeuvre (Chère Algérie)

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Chère Algérie. La France et sa colonie,

1930-1962



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L'Algérie vivra française



- Chère Algérie. La France et sa colonie, 1930-1962, Flammarion, 2005.

Présentation de l'éditeur2082105016.01.lzzzzzzz4
Plus de deux cent mille morts, côté algérien, près de trente mille morts, côté français : telle fut l'issue sanglante de la guerre d'Algérie. Cette guerre meurtrière, qui a longtemps tu son nom, fut aussi extrêmement coûteuse : elle a représenté 20 % du budget de l'Etat pour la seule année 1959. Fallait-il que les enjeux soient considérables pour que la France manifeste, si longtemps, un tel attachement ! Or ce livre démontre qu'il n'en fut rien, mettant à mal, au passage, bien des idées reçues : dès le début des années trente, l'Algérie connaît une crise qui ira s'aggravant jusqu'à son indépendance, et représente un fardeau toujours plus lourd pour la métropole. Les ressources sont insuffisantes pour nourrir une population qui croît très vite, car l'Algérie n'est pas ce pays richement doté par la nature qu'on s'est longtemps plu à imaginer ; la misère s'étend, les Algériens sont, très tôt, contraints de s'expatrier pour nourrir leurs familles - et non parce que la France fait appel à eux pour se reconstruire après 1945. Cette crise, aucune mesure n'a pu la juguler, ni les tentatives pour industrialiser la colonie avant la guerre, ni le plan de Constantine décidé en 1958. Quant à la découverte des hydrocarbures du Sahara, elle fut loin de représenter la manne qui aurait avivé la cupidité de la puissance coloniale... Analysant les relations complexes et changeantes entre les acteurs de la colonisation - État, organismes patronaux, entreprises, citoyens -, Daniel Lefeuvre propose une histoire nuancée et critique de ce pan tragique de notre passé colonial, au risque de heurter les partisans de la commémoration nostalgique comme les tenants d'une "repentance" mal entendue.
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Biographie de l'auteur
Daniel Lefeuvre est professeur à l'université Paris-VIII Saint-Denis, et l'un des grands spécialistes de l'Algérie française. Il a notamment édité les
Lettres d'Algérie d'André Ségura (Nicolas Philippe, 2004) et collaboré à La Guerre d'Algérie, 1954-2004, la fin de l'amnésie (Laffont,2004).





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29 mai 2006

Histoire ancienne

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Histoire ancienne


par les enseignants d'Histoire ancienne à Paris VIII



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Sargon l'Ancien, roi d'Akkad

(2334-2279 av.)
































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temple d'Héra (Junon) à Agrigente (Sicile)























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fresque romaine de la Villa Casale (Piazza Armerina, Sicile)




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29 mai 2006

Histoire médiévale

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abbaye du Thoronet (Var)




Histoire médiévale


par les enseignants d'Histoire médiévale à Paris VIII































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Psautier de Limoges
, BNF
manuscrit latin 1118 - fol107v(a)




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29 mai 2006

Histoire moderne

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François d'Alençon, duc d'Anjou (frère d'Henri III)




Histoire moderne


par les enseignants d'Histoire moderne à Paris VIII


- au sujet du tableau ci-dessus : l'identité du personnage n'est pas certaine ; il s'agit soit de Henri, avant son avènement sous le nom d'Henri III, soit de son frère cadet, le duc d'Alençon. Le nom du peintre est également l'objet d'un doute : Jean Decourt ou bien François Clouet. Le tableau est conservé à Chantilly au musée Condé. voir notice de la base "Joconde" du ministère de la Culture.



































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galerie des glaces, Versailles






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29 mai 2006

Histoire contemporaine

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1914-1918, soldat tué dans son tank (
char anglais Mark IV)




Histoire contemporaine


par les enseignants d'Histoire contemporaine

à Paris VIII

































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l'Hôtel de Ville pendant le siège de Paris et sous la Commune (1971)







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29 mai 2006

Références historiographiques

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bibliothèque de la Sorbonne

 

Références historiographiques

 

(page en construction)

 

- Historiographie, écriture de l'histoire : bibliographie (en cours de rédaction)

- "Fabriquer de l'histoire, est l'équivalent athée d'une prière", interview de Paul Veyne (2005)







L'historiographie désigne, soit l'ensemble du traitement d'une question (on dit par exemple : l'historiographie de la Saint-Barthélémy), soit la production historienne d'une manière générale (par exemple : l'historiographie française).

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Charles-Olivier Carbonnell,
(université de Montpellier)
L'historiographie, 7e éd., Puf, "Que sais-je ?", 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La bannière de ce blog :

quelques figures d'historiens


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Thucydide

 

 

(460-396 ? av.)

"celui qu'on est tenté d'appeler, en dépit d'Hérodote, le premier véritable historien grec" (Jean-Pierre Vernant)

- Histoire de la guerre du Péloponnèse, Garnier-Flammarion, 1993.

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Souci du vrai dans l'établissement des faits, exigence de clarté dans l'énoncé des changements qui se produisent au cours de la vie des cités (guerres et révolutions politiques), connaissance assez précise de la "nature humaine" pour repérer dans la trame des événements l'ordre qui donne sur eux prise à l'intelligence, - tous ces traits sont associés, chez celui qu'on est tenté d'appeler, en dépit d'Hérodote, le premier véritable historien grec, à un refus hautain du merveilleux, to muthôdes, considéré comme un ornement propre au discours oral et à son caractère circonstanciel mais qui se trouverait déplacé dans un texte écrit dont l'apport doit constituer un acquis permanent : «À l'audition l'absence de merveilleux dans les faits rapportés paraîtra sans doute en diminuer le charme  mais si l'on veut voir clair dans les événements passés et dans ceux qui, à l'avenir, en vertu du caractère humain qui est le leur, présenteront des similitudes ou des analogies, qu'alors on les juge utiles et cela suffira : ils constituent un trésor pour toujours (ktêma es aiei) plutôt qu'une production d'apparat pour un auditoire du moment» (Thucydide, II, 22, 4). La critique que trois siècles plus tard Polybe dirige contre Phylarque, accusé de vouloir provoquer la pitié et l'émoi du lecteur en étalant sous ses yeux des scènes de terreur (ta deina), fournit le meilleur commentaire au texte de Thucydide : «L'historien ne doit pas faire servir l'histoire à produire l'émotion des lecteurs par le fantastique, (…) mais présenter les actions et les paroles entièrement selon la vérité, même si d'aventure 2707146897.08.lzzzzzzzelles sont fort ordinaires». Car le but de l'histoire ne consiste pas à «émouvoir et charmer pour un moment les auditeurs» mais à «instruire et convaincre pour tout le temps les personnes studieuses avec des actes et des discours vrais» (Polybe, II, 56, 7-12).

Jean-Pierre Vernant, Mythe et société en Grèce ancienne,
Maspéro, 1974, p. 200-201.

 

 

 

 

 


 

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(59 av.-17 ap.)

- Histoire romaine

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(45-122 ?)

 

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(1333-1410)

 

 

Prologue des Chroniques (1370-1400)

Afin que les grans merveilles et li biau fait d'armes qui sont avenu par les grans guerres de France et d'Engleterre et des royaumes voisins, dont le roy et leurs consaulz [conseillers] sont cause, soient notablement [dûment] registré et ou temps present et a venir veü et cogneü, je me voel ensonniier de [me charger de] l'ordonner et mettre en prose selonch le vraie information que j'ay eü des vaillans hommes, chevaliers et escuiers, qui les ont aidié a acroistre, et ossi de aucuns rois d'armes et leurs mareschaus, qui par droit sont et doivent estre juste inquisiteur et raporteur de tels besongnes.

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(1447-1511)

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(1632-1707)

 

Jean Mabillon, né en Champagne, en 1632, bénédictin. C’est lui qui, étant chargé de montrer le trésor de Saint-Denis, demanda à quitter cet emploi, parce qu’il n’aimait pas à mêler la fable avec la vérité. Il a fait de profondes recherches. Colbert l’employa à rechercher les anciens titres.

 

 

 

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Voltairevoltaire

 

(1694-1778)

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Guizotguizot

(1787-1874)

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(1798-1874)

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Historien français professeur au Collège de France, Jules Michelet fut un grand libéral mais aussi un farouche adversaire du gouvernement (il fut destitué de sa chaire en 1851).
Il est l'auteur d'une Histoire de la Révolution française (1847-1853) et d'une Histoire de France en 1833 et en 1855.








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- quelques extraits de l'oeuvre de Jules Michelet

-

 


 

Gabriel Monodmonoddet

(1844-1912)

fondateur de la Revue Historique (1876)

 

 

 

 

 

- note sur l'école méthodique : site gallica.bnf

- sommaires de la Revue Historique depuis 1901, sur le site italien de l'istituto internazionale di storia economica "f. datini"

- sommaires d'anciens numéros de la Revue Historique sur un site allemand par Stuart JENKS

- la Revue Historique, aujourd'hui (dirigée par la médiéviste Claude Gauvard et le contemporanéiste Jean-François Sirinelli)


 

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(1886-1944)

notice biographique du fonds Marc Bloch aux Archives nationales

Né en 1886, Marc Bloch était le fils de Gustave Bloch, professeur d’histoire romaine à la Sorbonne. Agrégé d’histoire lui-même, il compléta ses études à Leipzig et à Berlin (1908-1909). Mobilisé comme agent d’infanterie, il fut, à l’issue de la Grande Guerre, capitaine d’état-major, titulaire de quatre citations et chevalier de la Légion d’honneur. A la faculté de Strasbourg, il fut chargé de cours d’histoire médiévale de 1919 à 1936. En 1929, il fonda avec Lucien Febvre (historien et professeur au Collège de France) Les Annales d’histoire économique et sociale et se trouva bientôt nommé professeur d’histoire économique à la Sorbonne. Marqué par l’abandon de Munich, il demanda à servir lorsqu’éclata la guerre en 1939. Il entra dans la Résistance en 1942 et devint délégué du Mouvement Franc-Tireur au directoire régional des Mouvements unis de la Résistance. Mais, au printemps 1944, il fut arrêté et emprisonné au fort Montluc. Après le débarquement allié, il fut fusillé par les Allemands. Marc Bloch est l’auteur de nombreux ouvrages dont Les Rois thaumaturges, 1924, Les Caractères originaux de l’histoire rurale française, 1931, La Société féodale, 1939-1940. Dans son ouvrage posthume intitulé Apologie pour l’histoire (1952) est exposée sa conception de l’histoire.             

                                                                               

 

- notice biographique

- Marc Bloch au Panthéon ? une demande de 17 historiens

 

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(1878-1956)

 

 

Notice biographique du fonds Lucien Febvre aux Archives nationales (591 AP)

Auteur d’une thèse sur Philippe II et la Franche-Comté (1911), fondateur avec Marc Bloch des Annales d’histoire économique et sociale (1929), Lucien Febvre (1878-1956) fut professeur au Collège de France (1933). Influencé par Paul Vidal de la Blache, il publia La Terre et l’évolution humaine (avec M. Bataillon, 226606911x.08.lzzzzzzz1922) où il montra les liens existants entre l’histoire et la géographie. Il écrivit ensuite Un destin, Martin Luther (1928), Le Problème de l’incroyance au XVIe siècle, la Religion de Rabelais (1942), L’Apparition du livre (avec Henri-Jean Martin, 1957), Au cœur religieux du XVIe siècle (1957). Sa conception de l’histoire, comprise comme une synthèse des éléments politiques, économiques, sociaux, religieux, culturels et mentaux, est exposée dans ses Combats pour l’histoire (1953). Président du Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, délégué de la France à la Conférence générale de l’Unesco successivement à Paris, Mexico et Beyrouth, président de la 6e section de l’Ecole pratique des hautes études, Lucien Febvre dirigea aussi L’Encyclopédie française créée avec A. de Monzie (1935).                                                                                          

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Fernand Braudel

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(1902-1985)

notice biographique (corrigée) du site de l'Académie française :

Né à Luméville-en-Ornois (Meuse), le 24 août 1902.
Agrégé d'histoire (1923). Professeur d'histoire aux lycées de Constantine et d'Alger (1924-1932). Professeur aux lycées Pasteur, Condorcet et Henri IV, à Paris (1932-1935). Membre d'une mission française d'enseignement au Brésil, à Sao Paulo (1935-1937). Directeur d'études à l'École pratique des Hautes études (section de philologie et d'histoire) (1937). Mobilisé en 1938, prisonnier en Allemagne en 1940-1945. Directeur de la revue Les Annales (1946-1968). Docteur ès lettres en 1947. Professeur titulaire de la chaire d'histoire de la civilisation moderne au Collège de France (1949-1972). Directeur d'études de la VIe section (Sciences économiques et sociales de l'École pratique des Hautes études (1956-1972). Fondateur de l'Association internationale d'histoire économique et administrateur de la Maison des Sciences de l'homme en 1962. Professeur honoraire au Collège de France en 1972. Correspondant de nombreuses académies étrangères, notamment celles de Budapest, Munich, Madrid, Belgrade. Docteur honoris causa de plusieurs Universités, notamment Oxford, Bruxelles, Madrid, Varsovie, Cambridge, Yale, Genève, Padoue, Leyde, Montréal, Cologne, Chicago.
Élu à l'Académie française, le 14 juin 1984 au fauteuil de André Chamson (15e) et reçu le 30 mai 1985 par Maurice Druon. Mort le 27 novembre 1985.

 

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- notice biographique du site du Collège de France

- note bio-bibliographique sur le site de la revue EspacesTemps

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- "Fernand Braudel et la Grammaire des civilisations (1963)"










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Georges Dubyduby_p

(1919-1996)

- notice : "Georges Duby, historien esthète du Moyen Âge", par Daniel Bermond (journaliste littéraire)

- interview de Georges Duby par François Ewald pour le Magazine littéraire, n° 248, décembre 1987.

 

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(né en 1936)

Alain Corbin, historien, a été professeur à l’université de Tours de 1969 à 1987 et doyen de la faculté des Sciences de l’homme de 1977 à 1980. Il est depuis 1987 professeur à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, spécialiste de l’histoire de la France au XIXe siècle.

 

 

- interviewé par Estrellita Wassermann (Université de Tokyo) en 1998
- compte-rendu du livre d'entretiens avec Gilles Heuré (Alain Corbin, historien du sensible) par Sébastien Laurent

- Alain Corbin, historien du sensible, entretiens avec Gilles Heuré (La Découverte, 2000).

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- fiche de lecture sur Les cloches de la terre (par un étudiant de Paris X-Nanterre)

- note de lecture du livre Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot

- Alain Corbin : "il faut restaurer la chronologie" - "j'ai interrogé beaucoup de professeurs qui m'ont affirmé que les étudiants de première année d'histoire sont, pour la plupart, incapables d'énumérer les régimes français du XIXe, et s'ils y placent Napoléon, beaucoup ne savent pas le situer exactement. Ils constituent pourtant les nouvelles générations de professeurs qui vont entrer dans l'Education nationale."


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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28 mai 2006

Historiographie, écriture de l'histoire

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Historiographie, écriture de l'histoire




Historiographie, écriture de l'histoire




bibliographie

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- une recension bibliographique, par thèmes : "Histoire de l'histoire et tendances récentes de l'historiographie", due à Olivier LE GUILLOU, Laboratoire de sciences sociales, ENS.

- une bibliographie et un programme d'UE sur l'historiographie, par Marc RENNEVILLE (Paris VIII) (site personnel)

- une bibliographie pour un séminaire sur l'historiographie, établie par David COLON, agrégé d'Histoire et Prag à Nanterre Paris X (site personnel).



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- Marc BLOCH, Apologie pour l'histoire, ou métier d'historien (1941) - en ligne.

    * sur Marc Bloch, le site de l'Association Marc Bloch

 

- Olivier DUMOULIN, Marc Bloch, Presses de Science Po, 2000.

    * compte-rendu d'une conférence de Olivier Dumoulin sur le rôle social de l'historien (2001)


- François DOSSE, L'Histoire, éd. Armand Colin, coll. "Cursus", 2000.2200251270

    * sur François Dosse: son site bio-biblio






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- Guy BOURDÉ, Hervé MARTIN, Les écoles historiques, Seuil, 1983.





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- Jean-Maurice BIZIÈRE et Pierre VAYSSIÈRE, Histoire et historiens : Antiquité, Moyen Âge, France moderne et contemporaine, Hachette, "carré histoire", 1995.





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- Paul VEYNE, Comment on écrit l'histoire - suivi de : Foucault révolutionne l'histoire (1971), rééd. Seuil, 1996.


- interview de Paul Veyne (Décembre 2005) : "Fabriquer de l'histoire est l'équivalent athée d'une prière" (décembre 2005)


commentaire : Paru au début des années soixante-dix, à contre-courant de la mode quantitativiste de l'époque, cet essai de Paul Veyne ressemble à une machine de guerre. Son titre marque le renouveau de la réflexion sur l'histoire comme mode d'écriture et inaugure la période du "retour au récit". Longtemps incompris, de lecture difficile mais ô combien stimulante, ce petit livre rejette toute ambition globalisante pour la discipline historique. Selon l'auteur, spécialiste d'histoire antique, l'histoire appartient au monde du hasard et du désordre, et toutes les continuités établies a posteriori par m_foucaultles historiens ne sont que reconstitutions fallacieuses. Il n'y a donc pas d'Histoire, mais seulement "des histoires de…". Enfin, le petit essai additif consacré à son ami Michel Foucault a pour but de montrer aux historiens, le plus souvent rétifs à l'œuvre du philosophe, la fécondité de la méthode généalogique foucaldienne pour l'histoire. Précurseur, ce pamphlet a le mérite d'être convaincant. Hervé MAZUREL (doctorant Paris I )

commentaire : Il n'y a qu'à lire le commentaire qu'a fait Michel de Certeau dans la revue les Annales de cet ouvrage pour le moins acide lors de sa parution au tout début des annés 1970: l'impérieuse nécessité d'objectivité mystifie l'historien devant son propre ouvrage s'il n'accepte pas en même temps d'assumer le désir qu'il y porte. C'est la thèse principale que Veyne développe, qui aurait gagné à une diffusion plus saine si l'auteur avait soustrait de son projet les trop nombreuses affirmations péremptoires selon lesquelles l'histoire n'est pas une science, et qu'il est et sera toujours vain de lui attribuer quelque fondement scientifique. Jugements que déplore bien entendu l'homme-orchestre Michel de Certeau même s'il loue finalement la démarche libératoire permise par l'ouvrage dansde_certeau son ensemble : à tant de contraintes "académiques", l'historien doit pouvoir opposer l'ultime plaisir résidant dans la gravité que suppose une restitution d'espaces-temps par le truchement de l'écriture. D'une lecture parfois déconcertante mais dans le fond profondément jubilatoire, à n'importe quelle étape du métier, le livre d'épistémologie que propose Paul Veyne est en cela un classique. Reste que le rapport à la vérité historique a parfois été sacrifié sur l'autel du texte-fiction, aspect que ne manqueront pas d'éclaicir Michel de Certeau (1975) et Paul Ricoeur (1983). Encore eut-il fallu que l'ouvrage de Veyne ait vu le jour au préalable ! Rémi BOUCAY (étudiant en histoire médiévale à Pau)


- Gérard NOIRIEL : Ma critique (...) vise seulement les historiens qui utilisent la philosophie dans les luttesnoiriel de concurrence qui les opposent à d'autres historiens. Au cours des années 1950 et 1960, les porte-parole de l'histoire quantitative ne sont touréns vers le marxisme pour affirmer que l'histoire était une véritable "science", capable de dégager les lois, ou tout au moins les constantes de l'évolution humaine. À partir des années 1970, leurs concurrents se sont appuyés sur la philosophie herméneutique, pour diffuser l'idée que l'histoire n'était pas une science, mais une forme particulière de récit, un roman vrai" (Paul Veyne). Ce clivage en a engendré d'autres, plus circonscrits. par exemple, les historiens qui prétendaient que toute réalité est sociale ont été critiqués par ceux qui défendaient l'idée que tout est langage. À chaque fois, la philosophie a été convoquée pour arbitrer ces polémiques. Dans les années 1950-1960, c'est Karl Marx qui était à la mode. Aujourd'hui, c'est Paul Ricoeur (en France) et Jacques Derrida (aux États-Unis).

Dans ce livre, je commence par rappeler que les philosophes ne sont jamais parvenus à se mettre d'accord sur les critères permettant de définir les différentes formes de savoir. Ils n'ont jamais réussi à s'entendre sur ce qu'est la vérité, l'objectivité, la science, etc. Dans ces conditions, on ne peut par affirmer que la philosophie aurait "démontré" quoi que ce soit sur la nature du savoir historique. Et en tant qu'historiens, nous n'avons pas les compétences permettant de trancher ce genre de polémiques. C'est pourquoi j'affirme dans ce livre que nous devons cesser désormais de nous retrancher derrière les autorités philosophiques pour arbitrer nos propres querelles.

(...) Ce raisonnement m'a conduit à délaisser les réflexions sur l'écriture de l'histoire ou sur l'objet de l'histoire, pour me concentrer sur l'analyse des activités qui entrent dans l'exercice du "métier d'historien". J'ai pu ainsi isoler trois types de tâches, qui correspondent à trois types de compétences : la production des connaissances (activités de savoir), leur diffusion dans la société (activités de mémoire), la gestion des problèmes qui engagent la profession : jurys de thèse, commissions de recrutement, réunions administratives, etc. (activités de pouvoir). (Sur la "crise" de l'histoire, éd. Folio, 2005, p. 10-12)


- Gérard NOIRIEL2011450721.01.lzzzzzzz2070306712.01.lzzzzzzz

- Sur la "crise" de l'histoire, Folio, 2005.

- Qu'est-ce que l'histoire contemporaine ? Hachette, "carré histoire", 1998.

    * sur Gérard Noiriel : page personnelle ENS



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- Christian DELACROIX, François DOSSE, Patrick GARCIA, Les courants historiques en France, XIXe-XXe siècle, Armand Colin, 2005.






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- Philippe POIRIER, Les enjeux de l'histoire culturelle, Seuil, 2004.








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26 mai 2006

«Fabriquer de l'histoire est l'équivalent athée d'une prière» (Paul Veyne)

 

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Paul Veyne
par François Busnel
Lire, décembre 2005 / janvier 2006



«Fabriquer de l'histoire

est l'équivalent athée d'une prière»


L'Antiquité gréco-romaine revient à la mode. Au cinéma et au théâtre, dans les restaurants branchés des actuelles Rome ou Athènes (où l'on dîne désormais couché à la romaine...) et, bien sûr, en bonne place dans vos librairies. Parmi les nombreux ouvrages consacrés à cette période fondatrice de l'histoire de l'Occident, une somme appelée à faire date : L'empire gréco-romain de l'archéologue et historien Paul Veyne. Un régal ! La plume de Paul Veyne est impertinente et drôle, érudite et originale.

Inclassable, Paul Veyne retrace l'histoire de l'Empire en convoquant la sociologie, la psychologie, la philosophie, l'histoire et les sciences. La politique est romaine, mais la culture est grecque, démontre-t-il brillamment avant de brosser le portrait-robot d'un empire bilingue et biculturel qui n'a rien à voir avec les clichés que véhiculent encore nos poussiéreux manuels. L'occasion était trop belle de donner la parole à cet éminent historien, titulaire de la chaire d'histoire de Rome au Collège de France, auteur d'une vingtaine d'ouvrages de référence et dont la renommée dépasse largement nos frontières.2020287781.08.lzzzzzzz1

Veyne avait révolutionné l'approche de la mythologie grecque (Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes?) et le regard de l'historien sur ses objets d'étude (Comment on écrit l'histoire), aujourd'hui il bouleverse radicalement, preuves et anecdotes à l'appui, notre vision de la Grèce et de Rome. Il va même plus loin, repérant dans ce passé méconnu les traces de notre modernité.


Comment êtes-vous devenu historien ?
Paul Veyne - Tout a commencé par un choc psychologique. À l'âge de huit ans, je suis monté sur une collinela_plaine_de_la_durance_c_t__cavaillon_490 proche de la ville de Cavaillon. Sur ce site celtique, j'ai trouvé une pointe d'amphore. Cet objet, qui ne ressemble à aucun autre des objets usuels, m'a fait l'effet d'un aérolithe tombé d'une autre planète. Ce fut un choc éblouissant ! Je me souviens l'avoir d'abord déposé sur l'autel d'une petite chapelle, parce que c'était un objet consacré. Tout est parti de cette découverte. Mais ce choc n'implique aucune valeur, je tiens à le préciser : je savais que les Romains avaient vécu dans des temps reculés mais je n'avais aucune idée de qui ils étaient. Ce choc n'a donc rien à voir avec les valeurs romaines, l'histoire ou même l'idée de vocation, c'est un choc de science-fiction : un aérolithe venu d'une autre planète. Or, dans le milieu populaire et inculte qui était le mien, la seule planète connue était Rome. Je me suis donc mis à m'intéresser à Rome. Vous le constatez : aucune grande idée dans ce choix, mais tout simplement un choc romanesque. Ainsi qu'une certaine chance... En effet, mes parents ont ensuite déménagé pour s'installer à Lille. Or il y a là-bas un grand musée archéologique romain et je passais mon temps dans ce musée, obsédé par ce que j'y voyais. Un jour, le conservateur, intrigué par ce gamin qui se taillait de la classe pour se trimballer dans son établissement, m'a convoqué et s'est occupé de moi.

L'année suivante éclate la guerre... Vous avez alors neuf ans. Fut-ce un autre choc ?
P.V. Je vivais dans un milieu qui, par conservatisme social et peur du Front populaire, était plus que collabo. Le journal qui était lu chez mes parents était une espèce d'infection nommée Gringoire. Et je vais vous dire, je regrette que l'on n'ait pas foutu douze balles dans la peau de Carbuccia, le type qui l'a dirigé et qui a été gracié à la Libération ! C'est dans ce journal que j'avais lu, à neuf ans, que les Anglais venaient de commettre les pires atrocités lors de la révolte des Cipayes. Je me vois encore expliquer à l'un de mes camarades qui, lui, était pour les Anglais et contre les Allemands : «Mais enfin, tu ne peux pas être du côté des Anglais... Ils ont fait des horreurs.» Il faut rappeler l'ignorance quasi totale dans laquelle les gens de province étaient alors - et tout particulièrement un gosse de neuf ans qui a spontanément les opinions de ses parents. Du coup, c'est vrai, je n'ai pas éprouvé de joie à la Libération.

Vous avez tout de même quitté votre milieu pour intégrer Normale sup. Que cherchiez-vous alors ?
P.V. Sortir de mon milieu, en effet. Je suis arrivé à Paris pour faire ma khâgne et ce fut un autre choc effrayant : le bas-relief célébrant la Libération de Paris en bas du Boul'Mich'. Celui-là n'a rien à voir avec les Romains mais ce fut, brusquement, l'image de la conversion. Naturellement, je suis entré dès que j'ai pu au Parti communiste... pour expier. Et puis, je me disais : «Tu te fiches totalement de la politique, tu n'es pas très sûr d'être courageux, donc grâce à la discipline du Parti tu es certain que tu ne trahiras jamais.»

Vous n'êtes resté que quatre ans au Parti communiste. Pourquoi avez-vous rompu, si vous n'aviez aucune conscience politique ?
biblioP.V. Parce que ça branlait dans le manche, tiens! Et puis parce que j'avais d'autres préoccupations : j'étais en Italie, à l'Ecole française de Rome. Mais je ne me suis pas véritablement dépolitisé car il y a eu, quelques années plus tard, la guerre d'Algérie.

Un autre choc ?
P.V. Oui, car je fus médusé par les rapports entre colons et indigènes. On m'avait envoyé en Algérie pour raisons archéologiques. Et je n'ai vu que les rapports humains. Cela m'a paru invraisemblable ! La façon dont se comportaient les colons avec les indigènes était pour moi insupportable, révoltante, intolérable. Au point que, je l'avoue, j'ai eu un moment de joie en 1961 car je voyais dans la guerre l'occasion de mettre un terme à ces rapports qui n'étaient pas moralement supportables. Mais il y a eu, ensuite, les révélations sur la torture. Et ce fut pire encore! Chaque matin, pendant des mois, je me suis réveillé avec une idée dans le crâne: «Nous sommes en train de faire en Algérie ce que les nazis ont fait en Europe.» Là encore, je précise que ce ne fut pas un choc social ou pro-prolétarien, mais un choc moral.

À quel moment décidez-vous de ce qui va devenir votre spécialité, l'archéologie et l'histoire gréco-romaine ?
P.V. Tout de suite. Ma famille était très ignorante, je vous l'ai dit, et très hostile au Front populaire. Mais il y avait un notaire qui, voyant que je lisais sans arrêt des ouvrages d'histoire romaine ou grecque, a convaincu mon père que je devais faire l'Ecole normale supérieure. J'ai donc suivi ce chemin pour faire de l'archéologie et de l'histoire ancienne mais je n'avais aucune admiration particulière pour les Romains, ni aucune valeur humaniste ou autre. Je sais que ça brise le mythe de dire cela, mais c'est la vérité : les événements se sont enchaînés et je suis devenu archéologue et historien parce qu'enfant j'avais découvert un bout d'amphore sur une colline, voilà tout.

aron_raymond_1En 1975, vous entrez au Collège de France, grâce à l'appui de Raymond Aron. Et pourtant, vous vous êtes brouillé avec lui aussitôt après...
P.V. C'est une histoire curieuse. À cette date, j'avais publié beaucoup d'articles mais peu de livres. En 1968, sans qu'il y ait aucun rapport avec les événements, je me suis mis à écrire un livre qui se présentait comme une rêverie sur la façon dont on écrit l'histoire (Comment on écrit l'histoire, NDLR). J'y racontais en partie ma vie, ce qui n'était pas très orthodoxe à l'époque. Or ce livre n'était ni soixante-huitard ni marxiste, et ne relevait pas davantage de la toute-puissante école des Annales. Je me foutais de Mai 68 (même si j'étais pour, mais pour des raisons qui n'avaient rien à voir avec le métier d'historien), de Marx et de Braudel. J'étais plutôt fasciné par les philosophes Georg Simmel et Max Weber. Je me souviens que Braudel, à la sortie de mon livre, m'a écrit quelque chose du genre: «Plutôt que d'aller chercher toutes ces choses fumeuses dans la philosophie allemande, vous feriez mieux de faire appel à la clarté française...» Allusion à peine cachée au fait que je ne prenais pas la peine de le citer. Lisant mon livre, Raymond Aron a, quant à lui, trouvé un type qui rigolait du marxisme, de Mai 68 et des Annales tout en ayant une capacité à faire des bons mots à toutes les pages. Or Aron ne cherchait pas un héritier spirituel mais quelqu'un qui s'occuperait de ses travaux après sa mort. Et il fallait que ce soit un normalien ! Pour Aron, ce dernier point était capital. Comme Pierre Bourdieu, son dauphin désigné, venait de lui claquer la porte au nez, il s'est replié sur ce type qui ricanait grassement quand on parlait de marxisme, n'arborait pas la moindre trace de soixante-huitardisme et n'appartenait pas à l'école braudélienne. Et qui, de plus, était normalien. Et voilà comment Aron m'a proposé pour le Collège de France. Est alors arrivé l'incident fatal, lors de ma leçon inaugurale. J'étais tellement perdu dans mes rêves intérieurs que, contre toute convenance, je l'admets avec honte, j'ai oublié de citer le nom de Raymond Aron. Oui, cela semble invraisemblable mais j'étais dans la lune. Pour Aron, ce fut un choc terrible, le signe de mon ingratitude. Et à partir de ce jour, il se mit à me persécuter après m'avoir fait élire...

Cet épisode confirme donc l'image dont on vous affuble parfois, en toute sympathie : celle d'un professeur Nimbus...
P.V. Eh oui, hélas. Je le crois.

Mais comment expliquez-vous que vous soyez si souvent «dans la lune» ? Est-ce le signe que rien ne vous intéresse hormis vos Grecs et vos Romains ?
P.V. Fabriquer de l'histoire - ou n'importe quel travail désintéressé - est l'équivalent athée d'une prière. La dépersonnalisation que produit cet effort pour dire ce que l'on croit être la vérité vous met dans cet état et parfume votre bureau d'une sorte de sécurité intérieure. C'est mystique, si vous voulez.

Revenons à notre sujet : en quoi consiste votre travail d'historien ?
P.V. Il consiste à dessiner, dans toutes ses vérités et sans poncifs, une certaine figure lointaine. Pour cela, il faut inventer des idées, c'est-à-dire conceptualiser. Pour arriver à dire l'individualité, qui ne ressemble pas à nous et dont la ressemblance est fausse, vous devez utiliser des concepts : plus il y a de conceptualisation, plus il y a d'individualisation. Loin de renvoyer à des généralités, les concepts abstraits sont l'unique moyen de définir avec exactitude une individualité. Sans eux, on tombe dans les lieux communs. Michel Foucault n'avait pas son pareil pour inventer des concepts, il est à ce titre le plus important des historiens de l'Antiquité.

Donnez-nous des exemples de concepts historiques...
P.V. Dire, par exemple, que le pouvoir de l'empereur romain est un pouvoir clanique, qu'il est mandataire et non souverain, que la cité grecque est un corps concret et non une constitution dans laquelle les gens entrent après être passés à la toise...

Votre ton est également très particulier : quelle est votre conception de l'écriture ?
P.V. Il faut être léger. Et se poser des questions. Mais attention, des questions élémentaires du type: auguste_empereur«Comment se fait-il que se soit produit tel événement bizarre?» Les ressorts de l'histoire sont les mêmes que ceux de votre vie personnelle : la psychologie. Mais ils ne sont pertinents que si nous pouvons, au moins par imagination, les revivre. Prenons un exemple. Les Romains, quelle que soit l'époque, n'ont jamais cru une seconde que l'empereur était un dieu. Tout le monde savait qu'il était mortel. Tout comme chacun savait, en URSS, que la société soviétique n'était pas la société idéale.

Comment expliquez-vous ce retour de l'Antiquité ?
P.V. Le Moyen Age a été tellement bien traité par l'école des Annales que le sujet est désormais épuisé !2070323285.01.lzzzzzzz Souvenez-vous de Montaillou, village occitan d'Emmanuel Le Roy Ladurie : le succès du livre vient non seulement du talent de son auteur mais aussi du fait que c'était la première fois que l'on reparlait aux gens, après une centaine d'années, du folklore local des villages. Ç'avait l'attrait du neuf. Le Moyen Age ayant déjà été traité, l'épopée napoléonienne ou celle de Louis XIV semblant trop proches, les gens s'intéressent à ce qui est lointain et peu connu : l'Antiquité.

Jusqu'à présent, on dissociait la civilisation grecque de l'Empire romain. Qu'appelez-vous, au juste, l'Empire gréco-romain ?

P.V. Cette dissociation est propre à la France où les chaires de latin et de grec sont distinctes et où les hellénistes contemplent Rome comme une duchesse toise un cancrelat tandis que les latinistes ne jurent que par l'originalité romaine. Les Allemands, les Anglais ou les Américains qui liront mon livre vous ro_marc_aurelediront que je n'invente rien et que je découvre l'eau chaude. Il n'y a qu'en France que l'on ignore cette vérité première : il y a bel et bien eu un Empire gréco-romain. Songez que l'on a fait de Sénèque le type même de l'esprit romain. Quel contresens ! Sénèque emploie des mots latins qui recouvrent tous des concepts très techniques et... grecs. Et à Rome, la philosophie et la médecine s'enseignaient en... grec. Lorsque l'empereur philosophe Marc Aurèle notait ses pensées, il le faisait également en grec et non en latin.

Cela veut donc dire que cet Empire fut bilingue...
P.V. Oui, bilingue et biculturel.

Fut-il également bicéphale ?
P.V. Il finira par le devenir, lorsque Constantinople prendra son essor et deviendra capitale de l'Empire romain d'Orient.

Mais comment est-on passé du modèle politique grec, proche d'une totalité, au modèle politique romain où ce n'est plus le tout qui prime mais l'individu ?
P.V. Dans l'Italie ancienne, chez les Etrusques, le centre de la vie est la cité. Comme en Grèce ou dans les parties civilisées du Proche-Orient. On ne sait pourquoi ce modèle, composé d'un petit groupe d'un millier de personnes, s'est retrouvé en Phénicie, diffusant très rapidement son modèle politique dans l'Asie Mineure, puis dans le monde étrusque et dans le monde romain. Mais la Grèce et Rome ont en commun le système de la cité. Rome est une cité. Le monde conquis par les Romains vit comme aujourd'hui les dominions du Canada : en état d'autarcie. Dans chaque cité, ce sont les notables qui commandent. Le pouvoir central n'a pas à se mêler des affaires de la cité. Il n'intervient que lorsque surviennent des troubles. Disons que Rome n'instaure pas l'équivalent d'un préfet. On pourrait parler d'un Commonwealth de cités. Rome n'a qu'une seule particularité, par rapport à la Grèce : un instinct de commandement.

D'où vient-il ? Pourquoi ne le trouve-t-on pas chez les Grecs ?
P.V. Il est difficile d'affirmer avec certitude d'où vient cet instinct. Je ne crois pas une seconde à l'idée, véhiculée par les historiens italiens notamment (chez qui l'empreinte marxiste est très forte), qu'il s'agit d'un intérêt de classe. Il faut chercher du côté de la psychologie : je suppose qu'il y a chez les Romains une conception spontanée de la sécurité et de la politique étrangère qui consiste à tout faire pour que Rome ne soit pas menacée. Pour cela, les Romains ont mis fin à toute forme de politique étrangère : ils ont absorbé tout ce qui était autour d'eux. Rome s'est ainsi retrouvée seule au monde. C'est une attitude que l'on peut comprendre : si vous devez mener une politique étrangère, c'est-à-dire des relations diplomatiques, avec un voisin qui vous fait sans cesse des ennuis, l'une des solutions consiste à le conquérir - il n'y a alors plus dealgeriedjemila politique étrangère puisqu'il n'y a plus de nation. C'est d'ailleurs ce qui fait l'unicité de l'empereur : il n'a pas de ministre des Affaires étrangères. Rome considère, d'une certaine manière, qu'elle est le seul Etat qui existe au monde. Le reste, ce ne sont que des tribus informes, des espèces de rois mais pas cette chose raisonnable qu'est un mandataire indépendant.

Vous montrez que l'on ne peut réduire l'Empire gréco-romain à la volonté de conquête. Il se met en place une forme d'absorption des cultures au sein de l'Empire. Peut-on parler de ce que l'on appelle aujourd'hui le multiculturalisme ?
P.V. Non, je parlerais plus volontiers de collaborationnisme. L'idée consiste à ne rien changer aux mœurs du pays que vous venez de conquérir, à ne faire aucun prosélytisme. Les Romains n'ont donc pas répandu la civilisation romaine, laquelle n'existe d'ailleurs pas. Il faut aussi rappeler que tout le monde avait déjà adopté la civilisation grecque : elle s'était développée d'elle-même. Les pouvoirs locaux savaient donc que Rome les laisserait en place. Mieux encore : ils savaient que toute révolte contre eux serait considérée comme une révolte contre Rome et serait sévèrement réprimée. D'une certaine manière, ils étaient garantis. Cette collaboration fut un des ressorts les plus répandus et les plus efficaces.

Les citoyens de cet Empire se sentaient-ils gréco-romains ?
P.V. Cela dépend des régions. Un Syrien se dit syrien d'abord, et précise ensuite : fidèle sujet de 0elisacartel'empereur. Mais dans les régions qui n'ont pas de civilisation originale, on se sent pleinement romain. Saint Augustin, par exemple, dit qu'il se sent romain d'Afrique. La fidélité est toujours une fidélité personnelle, attachée à un homme qui est l'empereur et non une fidélité à un peuple étranger représenté par Rome.

Il n'y a donc que peu d'unité dans cet Empire ?
P.V. Aucune, même ! Aucun patriotisme de masse. Seuls les notables et les lettrés se sont fait une grande idée de Rome lorsque les Barbares ont menacé.

Mais peut-on parler de cet Empire gréco-romain comme d'un tout ?
P.V. Oui, car les Grecs, bien qu'ils se considèrent très supérieurs aux Romains, sont contents de la domination romaine puisqu'elle garantit le règne de la bonne société, des notables, et que Rome les défend contre les Barbares qui vivent de l'autre côté de l'Euphrate. L'empereur n'a pas de nationalité ; il est sculpture_divers_buste_musee_tripoli_142972l'empereur.

Quelle est la spécificité du mandat de l'empereur ?
P.V. L'empereur doit d'abord être clairement distingué du roi. C'est un grand citoyen qui, avec son clan, a pris le pouvoir pour gouverner, protéger et défendre la chose publique, c'est-à-dire l'Empire. Il ne se réclame d'aucun droit mystique pour gouverner, comme le feront les Germains. Il est au pouvoir et tout le monde trouve cela très bien. Tant que ça dure... Il n'est qu'un mandataire. Mais dire qu'il est mandataire du peuple romain est une autre façon de dire que, s'il ne se conduit pas bien, il sera vidé et remplacé par un autre. Et comme la seule sanction en politique romaine est la mort, son éviction coïncide fatalement avec son assassinat.

Est-ce pour cela que si peu d'empereurs moururent de mort naturelle ?
P.V. Oui, en partie. Mais aussi parce que le sénat, qui était la classe gouvernante, était composé de cinq cents familles à l'intérieur desquelles n'importe qui pouvait devenir empereur. Il lui suffisait de proclamer publiquement qu'il était le meilleur et qu'il allait sauver l'Empire... Il ne rencontrait aucune des oppositions qui existent aujourd'hui, du type des syndicats ou même des partis politiques. D'autre part, le moindre mécontentement donne lieu à une révolte. Les soldats mécontents de la soupe ou les propriétaires fonciers mécontents de l'impôt prennent le premier notable venu et hurlent partout qu'il vient de se proclamer empereur. La plupart du temps, ce n'est pas vrai mais le pauvre type n'a plus qu'à essayer de sauver sa peau car il sait que dès que la rumeur aura propagé la fausse nouvelle il y passera... On peut dire que la forme d'opposition des populations consiste à faire un empereur, et souvent malgré ce dernier. C'est un acte de résistance dans un monde où il n'y a pas d'opposition possible de l'opinion. D'où une série de batailles pour le pouvoir.

L'empereur Marc Aurèle envisagea-t-il vraiment de rendre le pouvoir au sénat ?
P.V. C'était le vieux rêve d'un philosophe. L'empereur n'a aucun droit à gouverner : il est au pouvoir parce qu'il l'a pris. Il n'a pas l'autorité sublime du roi : il n'est pas né tout-puissant, il l'est devenu. Cette idée s_nat_romainchoquait le philosophe qu'était Marc Aurèle. L'idée que l'homme puisse avoir un maître et que ce dernier se fasse adorer, vénérer, était philosophiquement inacceptable pour lui. Marc Aurèle ressemblait en fait à ces intellectuels contemporains qui sentent qu'ils vivent dans une société capitaliste et injuste : il vivait dans un malaise perpétuel à cause du régime impérial. Mais il a fait son devoir, c'est-à-dire qu'il a évité de prendre de grands airs arrogants, de se césariser à la façon d'une star moderne. Il a développé pour cela une philosophie de la contrainte sur soi-même. Mais il a aussi fait son travail d'empereur : la guerre, le sort (ou plutôt les dieux) l'ayant mis à la tête de l'Empire.

Quel fut l'apport de Rome ?
P.V. D'abord l'idée, sublime, d'une vaste réunion de territoires tenus par un homme digne de ce pouvoir. Cette idée survivra jusqu'à Charlemagne et aux empereurs d'Allemagne. La notion d'empire a tenu à peu près aussi longtemps que celle de cité, qui a tenu de 2000 avant J.-C. à 500 de notre ère. Ensuite, l'idée que rome_forumla vie collective doit obéir à des règles. Dans l'Empire, la politique est romaine mais la culture est grecque. La culture, et même la vie!

Comment autant de violence a-t-elle pu cohabiter avec autant de beauté : l'art, la philosophie, la poésie...?
P.V. La grande époque de la littérature grecque est en effet celle de la guerre du Péloponnèse. Les Grecs étaient, en fait, plus militaristes et guerriers que les Romains : les guerres entre cités n'ont jamais cessé. L'état de guerre était l'état normal de la société, du coup les artistes savaient ce que signifiait la brièveté de la vie et se lançaient davantage dans la création.

Le poète Horace avait-il raison d'affirmer que «la Grèce conquise a conquis son sauvage vainqueur puisqu'elle apporte chez lui les arts» ?taverne_ph1
P.V. Oui, certainement. Mais Rome a ajouté au génie artistique grec le génie politique : l'autorité et le sens de la règle du jeu en politique sont romains. Et cette règle du jeu s'est perpétuée jusqu'à nous. Son principe est très simple : une grande collectivité obéit certes aux clans et aux pouvoirs sociaux mais il faut aussi suivre un certain nombre de règles de droit public.

À quoi ressemblait la vie économique ?
P.V. La masse de la population, à Rome, vivait avec l'équivalent d'un ou deux dollars par jour. Et on construisait le Colisée ou bien des aqueducs ! Ces derniers ne servaient d'ailleurs pas à grand-chose : à une partie des bains publics. Il y avait donc les milliardaires et les pauvres. Mais si, dans une société, vous atteignez un niveau de vie moyen plus élevé, apparaît alors une large classe qui remplace la plèbe : la bourgeoisie. Or, les bourgeois ne sont pas respectés : ils ne sont pas assez riches pour fasciner les pauvres et un mouvement social des prolétaires se développe assez rapidement en réaction contre leur pouvoir. En réalité, les bourgeois sont assez riches pour pouvoir dire qu'ils ne veulent pas de maître mais trop pauvres pour fasciner les vrais pauvres. Ils se mettent donc à réclamer la démocratie, le pouvoir de contester tel souverain, de le renvoyer... À Rome, ça les aurait envoyés aux galères ! A Rome, il n'y a qu'une mince classe moyenne. L'affaire se divise entre les grands et le peuple, exaspéré.

Quel était le statut de la religion ?
P.V. Il n'y en a pas. S'adressent aux dieux ceux qui veulent le faire. Les dieux sont considérés comme une nation supérieure et étrangère. On peut les prier si on en a envie, et on le fait parce que c'est la coutume. Mais il n'y a pas d'organisation ecclésiastique, pas de pape et chacun adore le dieu qu'il veut. À Athènes comme à Rome. Les dieux sont des voisins. Mais il est vrai qu'il n'y a pas eu, à Rome, d'âge des Lumières. remond2Il était rarissime que l'on nie les dieux : l'athéisme n'est pas romain. Disons que l'on se comportait vis-à-vis des dieux comme doit se comporter un intellectuel catholique de haut niveau aujourd'hui. Prenez par exemple René Rémond et demandez-lui ce qu'il pense de cette histoire d'Immaculée Conception ou bien de la transsubstantiation... Il ne peut pas le croire. Mais en même temps, il continue de croire à son Dieu. Les Romains lettrés se posaient ce genre de questions : comment dois-je me représenter les dieux ? Pour les Romains, il existe une Providence. Si elle existe, alors on peut la prier. Les dieux (Jupiter, Minerve...) sont les autres noms de la Providence.

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Justement, les Romains ont-ils cru en leurs mythes ? 
P.V. Absolument pas. Un lettré romain ne croit pas une seconde que la mythologie est vraie. Les dieux sont comme les saints du Moyen Age : on leur invente une personnalité et cette personnalité leur sert de biographie. On écoute la légende, qui est une belle histoire, mais on n'est pas obligé de croire à la légende.

Les Romains étaient-ils des débauchés et des individus dépolitisés ?
P.V. Non, pas du tout. Encore une image d'Epinal! Il ne faut pas lire trop de bandes dessinées...

Alors pourquoi l'Empire gréco-romain s'effondre-t-il ?
P.V. À la suite d'une série d'accidents. Mais il n'y a jamais eu de décadence romaine. Aucune. L'Empire a, au contraire, été très énergiquement reconstruit aux alentours de 300 par les tétrarques, et autour de 310-320 par Constantin. Les Romains ne sont donc nullement des dégénérés ou des avachis langoureux. Ils seraient plutôt complètement hystériques ! Ce sont des furibards ! L'accident est le suivant. Il n'existe peut-être aucun pays au monde où la longueur de frontière, rapportée à la surperficie, est aussi disproportionnée. La Méditerranée est un trou énorme au milieu d'un Empire de 60 millions d'habitants. Et avec des Barbares tout 010autour. Avec le niveau de vie qui prévaut à Rome, on ne peut entretenir qu'une armée de 300 000 hommes et il faut engager des Barbares pour défendre les frontières. Ces derniers se débrouillent comme ils peuvent, vivent aux frais de la population qu'ils pillent de temps à autre. Jusqu'au jour où les attaques contre l'Empire ont coïncidé : au même moment, les Barbares ont attaqué sur l'Euphrate, sur le Rhin et sur le Danube. Or le Danube est le point central : il suffit de passer le fleuve pour entrer en Slovénie et menacer l'Italie. Quand trente mille Barbares ont franchi le Rhin dans la nuit du 31 décembre 403 et qu'Alaric a forcé la Thrace à peu près au même moment, Rome s'est trouvée débordée. Paumée. Il faut se représenter un jeu d'échecs : la grande affaire consiste à empêcher le roi d'être pris, pas d'empêcher les pièces de se faire prendre. Les Barbares sont loin d'être idiots : ils ont pillé et brûlé les villes et ont aussitôt nommé des contre-empereurs. L'Empire a chuté parce que trop de Barbares avaient attaqué au même moment et nommé trop de contre-empereurs simultanément. Cela a provoqué un foutoir de tous les diables... (mosaïque carthaginoise représentant un chef vandale, fin Ve-début VIe siècle)

Aujourd'hui, que reste-t-il à découvrir sur l'Empire gréco-romain ?
P.V. Beaucoup de choses mais il faudra le faire par conceptualisation plus que par des recherches sur le terrain ou par l'étude de documents. Travailler sur la sexualité, par exemple. Rome, c'est l'amour. J'entends encore Michel Foucault me dire: «Ecoute, Veyne, tu ne crois pas qu'au fond il y a eu trois périodes : les plaisirs antiques, la chair médiévale et le sexe des modernes ?» Il s'agit d'apercevoir comme étrange un phénomène que l'on avait jusque-là tenu pour banal.

Le combat pour le maintien du latin et du grec dans le secondaire est-il le vôtre ?
P.V. Non, pas du tout. Pour être franc, je m'en fous complètement.

Comment !
P.V. Il serait plus utile que les enfants étudient l'allemand plutôt que le latin et le grec : c'est une langue à déclinaison difficile. Je ne crois pas que savoir le latin fasse mieux connaître le français. Par contre, connaître le bon français facilite la compréhension du latin. Combien d'étudiants en grec et latin peuvent-ils lire couramment les poètes latins ou grecs ? Je lis la prose grecque mais pas la poésie grecque car c'est un langage très différent du grec usuel, très compliqué. Quand un Grec fait de la littérature, il n'écrit pas en grec mais en prose d'art, et quand il écrit de la poésie, il use d'une langue spéciale. Cela dit, je n'ai pas envie de fâcher les défenseurs du latin et du grec à l'école : ce qui est important n'est pas de maintenir le latin et le grec mais qu'il y ait à chaque génération et dans chaque pays cinq cents types capables de traduire du latin et du grec.

Mais pour cela, il faudrait commencer dès le secondaire, non ?
P.V. Mais non !

Bon. De quelle philosophie gréco-romaine vous sentez-vous le plus proche ?
P.V. Aristote. C'est mystique ; il est snob et aristo, vit dans l'utopie complète... Mais sa philosophie me plaît : une bonne gymnastique dont le but est de nous habituer à l'abstraction.

L'Empire gréco-romain
Paul Veyne
Seuil, 2005
Prix : 25 € / 163,99 FF.

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